Catégorie : Public

La notion de public est entrée dans le sens commun de toute réflexion sur la culture et la communication comme étant l’équivalent d’un pôle récepteur, défini par rapport à un pôle émetteur qui fabrique, crée et diffuse une offre destinée à être proposée à des individus dans des conditions déterminées. De ce point de vue, la notion recouvre souvent un ensemble d’administrés, d’usagers, de consommateurs, d’habitants, réagissant à un cadre qui les constituent en public d’un point de vue externe à ses membres. Le public ne peut pas être une instance décidant de sa propre définition, dans la mesure où il n’existe pas en tant que collectif social préexistant à sa constitution. Il s’agit d’un statut provisoire, défini par une démarche effective ou potentielle de franchissement d’un seuil physique ou symbolique qui constitue un critère du point de vue d’une instance autorisée (producteurs culturels ou médiatiques, analyses). Cette constitution du public peut être fondée sur des données empiriques, mais aussi ne reposer que sur des critères non explicités. On devient consciemment public en entrant dans une salle d’exposition, en tournant un interrupteur pour écouter la radio, en achetant un journal, mais on peut aussi être constitué en public à son insu en étant comptabilisé par un appareil).

Le public apparaît donc a priori doublement « soumis » : il réagit à quelque chose qui lui est externe, il est défini par une instance autorisée.

En réaction à cela, les études de réception ou d’usage des productions médiatiques, culturelles et technologiques ont attaqué sans relâche l’idée d’une « passivité » du public et mis en évidence tous types d’appropriations, interprétations, détournements, voire co-constructions de ce dont le public est le destinataire, l’usager ou la cible. Ces travaux nombreux ont permis d’éclairer de manière précise quantité de pratiques sociales et culturelles, telles que la fréquentation des établissements, les usages des médias et des productions culturelles, les rapports aux savoirs, la formation des représentations et des opinions. La perspective dans laquelle ces travaux sont menés en dit parfois plus long sur les imaginaires des rapports sociaux qui hantent les questionnements de recherche, que sur les phénomènes sociaux observés : il faudrait en permanence compenser l’indignité de l’état de récepteur ou de destinataire interprété dans une perspective politique, et plus précisément avec une conception du politique dans laquelle le citoyen idéal est activement occupé à négocier sa propre condition et le sens de son action.

De fait, lorsque la discussion sur la notion s’autonomise par rapport à des phénomènes empiriques, celle-ci se déporte vers des acceptions plus politiques ou philosophiques qui ne renvoient plus guère à des pratiques sociales (la visite par exemple) ou à une condition empirique vécue, mais plutôt à des dimensions générales du fonctionnement social (le fonctionnement de l’espace public par exemple).

Dans le cas des recherches empiriques, on privilégie souvent soit tout ce qui renvoie à des pratiques de consommation, soit à l’inverse tout ce qui peut manifester des aptitudes des individus à se constituer en force active et autonome. Ainsi les travaux sur les dispositifs et démarches participatives ou collaboratives se multiplient. Cette tendance rend parfois difficile et même superflue l’attention sérieuse portée aux états et aux pratiques des publics observés dans tous les lieux où ils sont d’emblée constitués par un cadre proposé ou imposé. Pourtant, ces états et ces pratiques ont fait apparaître peu à peu des éléments difficiles à observer et pourtant fondamentaux dans la vie sociale. Il s’agit des rapport de confiance, des pratiques d’effacement de sa propre parole au bénéfice d’instances à l’action desquelles on adhère ou on collabore, des pratiques intergénérationnelles et interculturelles de transmission des normes, valeurs et pratiques : en effet, de nombreux publics cherchent moins à user de certaines propositions culturelles qu’à s’en constituer témoins et à les transmettre. Simultanément les publics développent des compétences critiques à l’égard des pratiques et dispositifs de la communication professionnalisée.

Les travaux réunis dans le site et traitant des publics font donc apparaître de nombreuses dimensions des états et des pratiques des publics en tant qu’usagers critiques des médias, témoins et relais de l’action institutionnelle, collectifs adhérant à des rapports à la vérité et aux savoirs.
Ils montrent en outre une certaine évolution de la manière dont les publics des médias, de la science, et d’institutions culturelles, sont étudiés par les chercheurs, qui sont eux-mêmes inspirés par des contextes politiques et académiques et ont développé des questionnements très différents selon la discipline ou le secteur professionnel auxquels ils appartiennent.

Vous trouverez dans cette page une sélection de documents, principalement des articles de revues scientifiques et des références d’ouvrages qui vous permettront de comprendre la notion de « public ». Dans la rubrique « Documents » du portail Science et Société, vous trouverez d’autres documents, parfois plus « pointus » : des thèses, des HDR (Habilitations à diriger des recherches) ou encore des rapports de recherche, qui vous permettront d’approfondir la connaissance de ce thème.