Jurdant, Baudouin, « Les problèmes théoriques de la vulgarisation scientifique », Strasbourg : Université Louis Pasteur, 1973
20 octobre 1973Thèse de Doctorat de Troisième Cycle en Psychologie, soutenue le 20 octobre 1973 devant Mme et MM. les Professeurs Andrée Tabouret-Keller, Président, Georges Lanteri-Laura, rapporteur et Michel Tardy.
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Extrait :
Le scientisme est une idéologie qui recèle une contradiction implicite – origine probable d’une anti-littérature dont Bouvard et Pécuchet est l’un des premiers exemples – et nécessaire pour qu’il puisse susciter le mouvement de la pensée destiné à le reconnaître en temps qu’idéologie. D’une part en effet, il se rattache à l’essor prodigieux des sciences issu d’un mécanisme de différenciation qui autonomise les domaines de recherches aussi bien par rapport au tronc philosophique commun que les uns par rapport aux autres. Aux sciences s’appliquent, ce qu’Enzensberger a dénommé avec bonheur, « les forces centrifuges de la spécialisation ». D’autre part cependant, en tant qu’idéologie, il répond d’un mécanisme d’intégration, d’un souci de cohérence interne (cf. la philosophie positive d’A. Comte, sur laquelle nous reviendrons) et externe (cf. les débuts d’une technique issue du discours théorique de la science) allant précisément à l’inverse de la dispersion et du fractionnement des disciplines. Les sciences mettent en jeu un désir de savoir détaché des formes idéologiques de la demande (sans quoi la « découverte » scientifique ne pourrait pas exister) ; l’idéologie par contre est ce par quoi ce désir est ramené à une demande sociale qui est tout autant exigence de sens que nécessité pratique.
L’idéologie scientiste nous apparaît comme le résultat du mouvement engendré par cette contradiction vers sa propre résolution dont l’idée essentielle est qu’un savoir de la vérité est possible, non plus au nom de la garantie divine invoquée par Descartes, mais au nom de LA SCIENCE, entité singulière, symptôme qui ne semble faire son apparition que par un tour de grammairien. Ce travail voudrait donc être un essai d’analyse de ce symptôme en ce qu’il exige, pour se maintenir comme pierre d’angle du scientisme, une participation sociale universelle, et partant, recourt à : la vulgarisation scientifique.