Catégorie : Musées & CCSTI

Le musée est un objet empirique aux frontières floues mais dont chacun se sent familier. C’est aussi une institution qui a une définition soigneusement entretenue par une communauté internationale de professionnels (l’ICOM ou conseil international des musées). C’est enfin un phénomène complexe qui fait l’objet de conceptualisations théoriques dans le milieu académique.

Chacun « sait » ce qu’est un musée sans avoir besoin de l’expliciter et même, sans les fréquenter. Par exemple, au fond du cratère bolivien de Maragua, un agriculteur a installé un petit musée gratuit qu’il ouvre sur demande aux voyageurs qui atteignent son petit village. Il y a réuni et y expose sur des étagères des objets retrouvés dans ses champs : tessons, pointes de flèches « très anciennes ». Il n’a jamais visité de musée, il ne sait ni lire ni écrire, mais il fait usage de l’institution muséale pour conserver et exposer un patrimoine dont il ne se sent pas le propriétaire mais le gardien. Il sait en outre qu’il existe peut-être un savoir à propos de ces objets anciens, savoirs qui leur donne leur valeur collective.

Le musée est connu non seulement en tant qu’établissement pouvant être visité, mais aussi comme une institution pouvant être appropriée en tant qu’outil par des individus et des populations.

Les professionnels des musées quant à eux, conservateurs ou muséologues dans des établissements fortement liés aux histoires politiques et aux cultures des pays dont ils dépendent, revendiquent cependant un caractère universel de l’institution muséale, et en proposent une définition à laquelle ils réfléchissent et qu’ils réactualisent en permanence depuis la création de l’ICOM en 1946. Rappelons la dernière version de cette définition adoptée en 2007 lors de la 21e Conférence générale à Vienne (Autriche) : « Un musée est une institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation ». Cette définition, qui comporte désormais la référence à un patrimoine immatériel, intègre de ce fait des musées de sciences qui conservent moins des objets, que des savoirs et des démarches. Le musée y apparaît en outre comme un lieu d’élaboration et de transmission du savoir, mais aussi de partage de sentiments psycho-sociaux.

Les chercheurs enfin, réuni dans la communauté interdisciplinaire de la muséologie, ont conceptualisé le musée à partir de ce que Jean Davallon a défini comme son opérativité symbolique et sur la base de caractéristiques médiatiques qu’il a dégagées : le musée est ainsi un espace social, un dispositif au sens d’agencement hétérogène, qui développe sa technologie (l’exposition), institue des relations sociales (et notamment un public), des langages, et un « mode d’emploi » qui intègre en permanence ses usages.

Ces différentes manières de se représenter ou de définir le musée coexistent. Elles ne sont ni opposées, ni complémentaires. Elles manifestent les liens très étroits mais très différenciés qui existent entre une pensée sociale ouverte, vivante, complexe, largement fondée sur des implicites, une condition de professionnels de la culture très réflexifs, et un intérêt des sciences humaines et sociales pour une institution à la fois extrêmement spécifique des cultures dont elle participe (les musées ont été créées en France sous la Révolution) et distribuée dans des systèmes culturels très divers (les archéologies et les ethnologies identifient dans pratiquement toutes les cultures un usage de l’exposition, et des processus de patrimonialisation).

Dans cette rubrique, figurent des travaux portant sur l’institution muséale, ou menés dans des musées et des centres de culture scientifique et technique, du point de vue professionnel ou académique, mais aussi des textes qui rendent compte de l’usage du musée par des scientifiques et par des publics. Dans la rubrique « Documents » du portail Science et Société, vous trouverez d’autres documents, parfois plus « pointus » : des thèses, des HDR (Habilitations à diriger des recherches) ou encore des rapports de recherche, qui vous permettront d’approfondir la connaissance de ce thème.