Babou, Igor. Rationalité & nature. Une approche communicationnelle. Habilitation à diriger des recherches en sciences de l’information et de la communication. Paris : Université Paris 7, 2010.
7 octobre 2010Habilitation à Diriger des Recherches en sciences de l’information et de la communication (soutenue le 10 février 2010), Paris : Université Paris 7. [Jury : Beaudouin Jurdant (directeur), Yves Jeanneret, Jean-Marc Lévy-Leblond, Marie Roué, Véronique Servais].
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Résumé
Les travaux présentés dans le cadre de cette habilitation à diriger des recherches s’inscrivent tous dans la recherche en sciences de l’information et de la communication. Ils sont également, au plan thématique, proches des études de sciences et, plus récemment et dans une moindre mesure, de la socio-anthropologie de l’environnement. Ils ont pour spécificité d’être menés avec une attention particulière aux phénomènes de communication : soit qu’ils prennent la forme d’études sur les représentations médiatiques et culturelles de thèmes scientifiques (à la télévision ou dans les expositions et les musées), soit qu’ils se focalisent sur les médiations qui se construisent et qui s’autonomisent, au sein des institutions liées au savoir (bibliothèques et laboratoires de recherche), entre les divers acteurs mis en jeu dans la circulation de discours ou d’images : médiations symboliques, socio-organisationnelles ou encore techniques. C’est l’analyse des médiations instaurées par la « modernité » entre l’homme et la nature qui caractérise l’élaboration conceptuelle que je propose pour repenser la « rationalité » en évitant, autant que possible, ce que je considère comme des pièges idéologiques ou des impasses théoriques : idéalisme philosophique, déterminisme technologique ou matérialiste, sociologisme naïf ou inversement sémiologisme scolastique, ou encore évolutionnisme. Au plan méthodologique, l’originalité de la démarche proposée consiste à revendiquer une appréhension empirique du thème de la rationalité, qui a généralement été abordé au cours de son histoire de manière spéculative. C’est par la mobilisation de démarches d’enquête (ethnographie, sémiotique du discours) qu’il s’agit d’apporter de nouvelles connaissances sur ce que nous appelons « rationalité » sans trop souvent savoir ce que nous entendons quand nous mobilisons ce concept. La thèse soutenue dans cette habilitation est alors la suivante : la rationalité, au-delà de sa fonction véridictionnelle pour les sciences (argumentation débat critique, usage de la logique, etc.), au-delà de son caractère procédural souvent avancé (méthode, prévision, calcul, vérification par l’action sur le « réel », etc.) serait également un ensemble de médiations discursives, socio-organisationnelles et techniques interposées entre l’homme et la nature afin de légitimer le développement économique des sociétés dans le cadre de la « modernité » et du dogme du « progrès ». L’originalité de la démarche, incluse dans la définition même de la rationalité proposée ici, est de se situer à l’intersection du symbolique, du social, et du matériel : il s’agit de traiter des données « composites » constituées indissociablement de discours (discours médiatiques, débat public, etc.), d’organisations et d’enjeux sociaux (acteurs, légitimités, champs, valeurs, normes, etc.), et de phénomènes naturels (topographie d’un territoire, dynamique d’une espèce animale, etc.). L’ensemble de ces articulations a l’ambition de définir un cadre d’analyse de la dynamique du changement social qui ne ferait pas l’impasse sur les grandes régulations qui assurent leur pérennité aux sociétés humaines, tout en intégrant les dimensions matérielles de l’expérience humaine à cette problématique. Par l’interrogation morale qui la parcourt, à partir du constat de l’échec de la rationalité « moderne » à s’élaborer sans dans le même temps chercher à disposer de la nature, des êtres et des cultures à des fins de domination, la thèse de cette habilitation comporte une dimension explicitement critique. Cette dimension critique consiste à refuser de considérer comme allant de soi les formes de rationalité et les grands partages entre l’homme et la nature tels que les a privilégiés la « modernité ». Cette critique de la rationalité est la condition réflexive à partir de laquelle élaborer une réflexion sur les relations entre sciences, société et nature qui ne soit pas sous-tendue par des présupposés évolutionnistes ou ethnocentrés.
Mots-clés : communication, sémiotique générale, sémiotique de l’image et des médias, analyse de discours, études de sciences, socio-anthropologie de l’environnement, ethnographie, nature, rationalité, critique.