Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 141-142, mars 2002. Science.
13 mars 2002On peut entendre aujourd’hui l’expression «étude des sciences » de deux manières Tune évoque le temps consacré à l’astreinte de la recherche, l’autre désigne l’enquête de sciences sociales conduite vers les sciences elles-mêmes. Force est de constater que dans l’ambiguïté des termes, la raison se perd. Et le recours à l’expression anglaise « science studies » n’est pas plus clair. Il y a en effet comme un tour de charlatan à agiter devant des étudiants de maîtrise ou recently postgractuated, à peine introduits au cursus d’une des principales disciplines qu’offre l’université (mathématique, physique, biologie, philosophie, histoire, sociologie) l’espoir de tenir le fin mot sur la science une fois initiés au B.A.-BA d’un domaine annoncé comme nouveau: l’étude des sciences, voire la sociologie des sciences. La perspective paraît réconfortante pour qui s’intéresse aux sciences sans prendre les risques de leur épreuve : on peut rester tout contre, garder secrète sa fascination, et espérer faire profession du commentaire des sciences en cultivant l’illusion qu’on n’est pas dupe face à l’empire de la technologie, des institutions scientifiques et de leurs conditions économiques et politiques. […] Les enquêtes sur les sciences doivent résister à l’épreuve des sciences mêmes: philosophes, prenons au sérieux le travail de la pensée dans les sciences actuelles; sociologues, mettons à l’épreuve les critères de science qui sont consolidés dans l’exercice de cette discipline. Voilà pourquoi, dans le labyrinthe des commentaires des sciences, où cheminent les philosophes, les historiens et les sociologues, il n’est pas inutile aujourd’hui de contribuer à donner quelques repères d’orientation : des règles pour la conduite de l’esprit selon la formule cartésienne2, ou bien, jouant avec les mots latins, l’indication de chemins qui mènent au génie du lieu de l’enquête, celui des sciences, c’est-à-dire à la science même.
Brian Éric. Ad directionem ingenii. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 141-142, mars 2002. Science. pp. 5-7.