Jean-Marc Levy-Leblond. (Auto) critique de la science. Paris : Seuil, 1973 (version numérique à télécharger)

Jean-Marc Levy-Leblond. (Auto) critique de la science. Paris : Seuil, 1973 (version numérique à télécharger)

4 novembre 2011 0 Par Mathieu Quet

autocritique_science_couve_webL’ouvrage “(Auto)Critique de la science”, coordonné par Alain Jaubert et Jean-Marc Lévy-Leblond a été numérisé par nos soins, avec l’autorisation de l’éditeur et de Jean-Marc Lévy-Leblond. Il prend place en 1973 dans la collection “Science ouverte” chez Seuil. Vous pouvez le télécharger ci-dessous (cela prendra un peu de temps, car l’ouvrage est volumineux : 384 pages), et lire plus bas la présentation rédigée par Mathieu Quet :

Avant l’arrivée de Jean-Marc Lévy Leblond en 1973, la collection « Science Ouverte » est dirigée par le biologiste Max de Ceccatty, avec l’assistance du philosophe François Dagognet et du mathématicien André Warusfel. La collection a été fondée par de Ceccatty en 1966 avec l’ambition de diffuser une vulgarisation de qualité. Les titres hébergés sont alors déjà  rassemblés avec éclectisme (psychologie, physique, chimie, éthologie, etc.), mais selon une orientation encore sage. A l’exception des ouvrages du pionnier de l’écologie et futur « éco-socialiste » Barry Commoner (Quelle terre laisserons-nous à nos enfants ?, L’encerclement), peu de place est laissé aux problématiques politiques soulevées par le développement scientifique et technique.

Signe des temps, l’arrivée de Lévy-Leblond comme directeur de collection bouscule cette conception encore traditionnelle de la vulgarisation, et laisse la porte ouverte à des interrogations qui étaient jusque-là tenues à distance du champ scientifique : contestation et dénonciation des dégâts de l’industrialisation, des risques soulevés par les politiques d’innovation scientifique, des réseaux militaro-scientifiques, de la participation des sciences à la production d’un régime inégalitaire, etc. En un mot, la collection de vulgarisation devient une véritable tribune politique autour des enjeux contemporains des sciences.

Il faut rappeler qu’à l’époque, le jeune directeur de publication est très lié au mouvement de critique des sciences, dont il connaît bien les différents groupes et acteurs. Cet engagement le conduit à faire souffler un vent de révolte sur le milieu jusqu’alors si policé de la vulgarisation scientifique. Au long des années 1970, les ouvrages se succèdent qui confirment à chaque fois « Science Ouverte » comme principal relais d’expression d’une conscience critique sur les sciences contemporaines en France. Pour ne citer que quelques exemples, on peut évoquer la publication par Georges Menahem, en 1976, de La science et le militaire, dénonciation du complexe militaro-industriel. En 1977, la collection entérine le virage théorique pris par la critique des sciences, en publiant L’idéologie de/dans la science, collectif comprenant des textes des fondateurs de la critique des sciences en Angleterre Hilary et Steven Rose. En 1980, un groupe de biologistes inquiets publie l’une des premières critiques des évolutions de la biologie, sous le nom de la soeur imaginaire du généticien Gregor Mendel : Agata Mendel, Les manipulations génétiques.

Et puis, surtout, il y a cette profession de foi initiale, ce premier ouvrage publié par la collection sous la direction de Lévy-Leblond : Autocritique de la science, patchwork de textes de toutes provenances, tentative de synthèse d’un mouvement en pleine évolution depuis la fin des années 1960, la critique des sciences. L’ouvrage, co-dirigé par le journaliste Alain Jaubert, est de plain-pied dans le militantisme scientifique. Cette somme critique est aussi bien un retour sur quelques années de contestation, qu’un regard enthousiaste vers l’avenir de la critique. On y trouve des épisodes amusants, comme l’exclusion du physicien Murray Gell-Mann du Collège de France par des militants furieux de sa collaboration à la guerre du Vietnam. On y trouve aussi des théories sur la science. On y trouve même l’autocritique d’un « mandarin » chinois, qui vient rappeler les influences maoïstes des militants de l’époque.

Bref, Autocritique de la science est un régal, autant pour ceux qui s’intéressent à l’histoire de la réflexion critique sur les sciences, que pour ceux qui sont à la recherche d’un regard différent sur le monde technoscientifique. Et pour cette raison, l’ouvrage constitue une inauguration formidable à l’arrivée de Jean-Marc Lévy-Leblond au sein du Seuil. Depuis, la collection a évolué, ses participants ont changé, mais la collection est demeurée un lieu essentiel pour la mise en question critique des logiques scientifiques et techniques dans l’espace public. Et pourvu que ça dure !

Remerciements :

Jean-Marc Lévy-Leblond (pour son accord pour la numérisation, et pour avoir bien voulu contacter Seuil pour la gestion des droits d’auteurs), Amaury Delarge (pour le travail de numérisation), Igor Babou (traitement graphique des pages et mise en ligne). La numérisation a été réalisée à l’ENS de Lyon et s’inscrit dans les travaux de l’équipe “Communication, Culture et Société” (Centre Norbert Élias) pilotée à l’époque de la numérisation par Joëlle Le Marec.